Tout commence par le modèle architectural et la schématisation
En tant qu’ingénieurs structurels, nous sommes chargés de calculer une structure pour qu’elle ne s’effondre pas. Nous devrons vérifier si la construction répond à certaines exigences en termes de résistance, de stabilité et de rigidité. Pour créer le modèle d’analyse structurelle, nous partons du modèle architectural. Un modèle architectural montre à quoi ressemblera la structure dans la réalité, mais il ne se prête pas aux calculs car il contient trop de détails.
Nous allons donc simplifier le modèle architectural jusqu’à ce qu’il ne reste que la structure porteuse. La structure porteuse transfère les charges appliquées au sol. Les charges possibles qui s’appliquent sont le poids propre de la structure et le poids résultant de l’utilisation de la structure (personnes, meubles, machines). Les facteurs comme le vent, la neige et les changements de température pouvant également provoquer des charges, il faut aussi en tenir compte.
Pour rendre la structure porteuse adaptée aux calculs, nous devons la schématiser en un modèle d’analyse (syn. modèle filaire, modèle mécanique). Cela va de pair avec des idéalisations et des simplifications nécessaires. Les idéalisations portent sur :
• La géométrie (la forme et les dimensions) de la structure
• Les appuis
• Les assemblages
Figure 1: Schématisation du modèle architectural (a) pour créer le modèle d’analyse structurelle (b)
Forme de la structure
Grâce à la schématisation, les lignes du système qui coïncident avec les lignes d’axe des sections transversales remplaceront les poutres et les colonnes. De même, les plans du système qui coïncident avec le plan de l’axe remplaceront les sols et les murs.
Schématisation du poutre/ collone (a) et d'un dalle/mur (b) respectivement aux lignes et aux plans du système
Comme nous travaillons avec des lignes et des plans du système, la valeur calculée des portées dans un modèle d’analyse est légèrement différente des dimensions réelles que nous trouvons dans la construction réelle (= modèle architectural). Dans la Figure 3 :
• les barres du modèle d’analyse sont légèrement plus courtes que dans la réalité
• les colonnes sont un peu plus longues qu’en réalité
Figure 3 : Influence de la schématisation sur les longueurs des éléments de construction
Lorsque la position des lignes et des plans du système est déterminée, nous devons leur attribuer une section transversale. Plus ce choix initial est conforme à la conception finale, moins le travail de calcul est important. À titre indicatif, nous pouvons estimer la section initiale de chaque élément en utilisant les règles empiriques du tableau ci-dessous.
Poutres de plancher | ||
---|---|---|
Béton | In-situ | L/10 |
Préfabriqué | L20 | |
Acier | L/20 | |
Bois | Scié | L20 |
Stratifié | L12 | |
Poutres de toit | ||
Béton | In-situ | L/20 |
Préfabriqué | L20 | |
Acier | L/30 | |
Bois | Scié | L20 |
Stratifié | L20 | |
Colonnes | ||
Béton | 1 étage (L<=8m) | L/12 à L/15 |
MÉtages multiples (L <= 4m) | L/10 à L/12 | |
Acier | 1 étage (3m <= L<= 8m) | L/20 à L/25 |
Étages multiples (3m <= L<= 4m) | L/7 à L/8 | |
Bois | 1 étage | L/20 |
Sols en béton | ||
Appui linéaire(jusqu’à 7 m) | Champ unique | 1/22 |
Continu | 1/30 | |
Appui ponctuel (jusqu’à 7 m) | 1/25 à 1/28 | |
Plancher à caissons, plancher creux, plancher nervuré (jusqu’à 20 m) | 1/20 à 1/25 x la longueur diagonale | |
Dalles alvéolées (jusqu’à 17 m) | L/35 | |
Double plancher en T (jusqu’à 22 m) | L/30 |
Tableau 1 : règles empiriques pour l’estimation des dimensions des pièces structurelles (Source : [5])
Appuis et assemblages
Une (partie d’une) construction ne flotte pas librement dans l’air. Les parties structurelles sont interconnectées par des assemblages (syn. nœuds). Et la structure est reliée à la terre par des appuiss qui dévient les forces internes vers le sol.
La schématisation des appuis/nœuds dépend de leurs degrés de liberté possibles. Ces degrés de liberté se jouent à deux niveaux :
• D’une part, la rigidité en translation mesure la résistance de l’appui/assemblage aux déplacements.
• D’autre part, la rigidité en rotation mesure la résistance de l’appui/assemblage à la rotation.
Un appui/assemblage limite toujours au moins un degré de liberté. Dans un plan plat à deux dimensions[1], un appui/assemblage a un maximum de 3 degrés de liberté : deux en translation et un en rotation (Figure 4).
Figure 4: Les trois degrés de liberté dans un plan plat bidimensionnel illustré par un rectangle (Source: [5])
En jouant sur la rigidité en translation et en rotation, nous pouvons distinguer différents appuis/assemblages (Figure 5).
• Les appuis articulés, roulants et retenus sont les plus utilisés. La rigidité en translation et la rigidité en rotation sont toutes deux importantes ici.
• Pour catégoriser les assemblages, on utilise généralement uniquement la rigidité en rotation.
o Les assemblages avec une rotation libre sont appelés assemblages articulés.
o Les assemblages dans lesquels la rotation est empêchée sont appelés assemblages rigides, fixes ou continus.
o Les assemblages dont la rigidité en rotation est limitée sont appelés assemblages semi-rigides.
Figure 5 : représentation mécanique de différents appuis/assemblages en fonction de leur rigidité en translation et en rotation (Source : [3])
Lors de la réalisation d’un modèle d’analyse structurelle, nous devons donc schématiser les appuis et les assemblages de manière à ce qu’ils se rapprochent le plus possible du comportement réel. Dans la Figure 6, vous pouvez voir la même construction que dans la Figure 1, mais cette fois les appuis et les assemblages sont présentés avec leur schématisation respective. Par exemple, l’appui gauche du modèle architectural est traduit en un appui roulant dans le modèle d’analyse. Ou la connexion de la plaque de base de la colonne flexible en un appui semi-rigide, etc.
Figure 6: Schéma des supports et des joints dans une structure
Photos de appuis/assemblages réels et leurs schémas associés.
Exemples d’appuis | Exemples de assemblages | ||
---|---|---|---|
| Une bande de néoprène est placée entre une prédalle et un mur porteur. La bande de néoprène garantit que la prédalle peut subir de petits mouvements horizontaux. | Assemblage classique boulonné poutre-colonne avec un jarret. Le jarret apporte une rigidité supplémentaire en rotation.
| |
Schématisation : appui roulant | Schématisation : nœud rigide | ||
Cet appui permet d’éviter les déplacements en translation et en rotation | Liaison poutre-colonne en béton où une console e la poutre. En général, ce assemblage ne peut pas transférer de moments. | ||
Schématisation : intégrée | Schématisation : nœud articulé | ||
Les quatre boulons permettent à cet appui de développer un moment de résistance spécifique. Malheureusement, cette résistance n’est pas de la même ampleur qu’un appui intégré. | Une connexion poutre-poutre en béton. Également appelé corbeau. Ce assemblage ne peut pas transférer de moments. | ||
Schématisation : appui semi-fixe | Schématisation : nœud articulé | ||
Il n’y a que dans les ponts que vous pouvez rencontrer les appuis dans leur forme la plus pure. Cet exemple est un appui articulé. Les déplacements sont empêchés, mais la barre reliée à l’appui peut tourner sans interruption. | Un assemblage boulonné poutre-colonne-poutre sans jarret. Cet assemblage a une rigidité en rotation spécifique, mais pas la même magnitude que si des jarrets étaient présentes. | ||
Schématisation : appui simple | Schématisation : nœud semi-rigide |
Si un certain degré de liberté (translationnelle ou rotative) est libre ou fixe, le modèle d’analyse structurelle de l’appui/assemblage est rapidement déterminé. C’est tout ou rien. Mais avec les ressorts de translation et les ressorts de rotation, c’est une autre histoire. Il existe plusieurs façons de déterminer la valeur de ces ressorts de translation et de rotation dans le cadre de l’analyse structurelle. Toutefois, cette question ne relève pas du champ d’application de cet article.
Application pratique : modèle d’analyse structurelle dans Diamonds
Appliquons ces connaissances dans Diamonds, notre principal logiciel de calcul de structure. Nous créons le modèle d’analyse structurelle pour la deuxième ossature dans le hall ci-dessous.
Les dimensions des axes du système sont les suivantes :
• Largeur : 12 m
• Hauteur de la colonne : 6 m
• Pente du toit : 15°
Pour mieux comprendre où se trouvent exactement les axes du système, nous les dessinons sur l’image :
Ensuite, nous devons affecter des sections aux axes du système. Sur la base du Tableau 1, nous pouvons faire une première estimation :
• Colonnes : 6 000 mm/20 = 300 mm > HEA 300
• Poutres : 6 000 mm/20 = 300 mm > IPE 300
• Jarret : longueur 1 m, hauteur égale à la hauteur de l’IPE à laquelle le jarret est attachée
• Appuis : articulés par hypothèse
• Assemblages : assemblages fixes (en raison de la présence du jarret). Les assemblages sont fixes par défaut dans Diamonds.
Pour générer rapidement une ossature de portail, nous utilisons l’assistant de structure.
L’ossature est représentée sous forme de fil dans l’image ci-dessus : seules les lignes du système sont visibles. Si vous demandez une représentation solide, les dimensions de la section sont générées et collées sur les lignes du système. Par conséquent, cette représentation ne ressemble pas à la construction réelle (= modèle architectural) :
• Les poutres et les colonnes ne semblent pas s’aligner correctement.
• L’assemblage poutre-poutre du faîte ne semble pas non plus bien raccordé.
• Les nervures se chevauchent au niveau du faîte (on peut même le voir sur l’image filaire).
Mais c’est normal. Ces phénomènes résultent de la schématisation d’un modèle architectural (qui ne se prête pas aux calculs) en un modèle d’analyse structurelle (qui se prête aux calculs).
Ressources supplémentaires pour vos besoins d’apprentissage
ISi vous avez aimé cet article sur les bases du modèle d’analyse structurelle, vous pouvez consulter l’un de nos précédents articles de blog. Dans ce billet, nous vous présentons 5 étapes essentielles à suivre pour la conception de toute structure. Par ailleurs, nous avons également écrit à ce sujet sur le blog de l’Institution of Structural Engineers. Consultez nos 5 tactiques pour devenir une ingénieure structurelle performante.
Vous pouvez améliorer votre connaissance de Diamonds en lisant un autre article du blog pour découvrir pourquoi notre logiciel Diamonds peut stimuler votre productivité. Si vous préférez le contenu vidéo, jetez un œil à nos tutoriels sur notre chaîne YouTube.
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Bibliographie:
1. Braam, R., & Lagendijk, P. (2010). Constructieleer gewapend beton (7de editie). Vrije Uitgevers, de.
2. Stark, J., & Wardenier, J. (2014). Knopen (1ste editie). Bouwen Met Staal.
3. Dicke, D. (1991). Stabiliteit voor ontwerpers (2e druk). Delftse U.M.
4. Vuistregels voor het ontwerpen van een draagconstructie. (2013, 20 november). Wiki BK TU Delft. Geraadpleegd op 19 januari 2021, van http://wiki.bk.tudelft.nl/mw_bk-wiki/images/1/12/Vuistregels.pdf
5. Hanaor, A. (1998). Principles of Structures. Blackwell Publishing.